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Troy Davis : Ce jour où nous avons perdu une part de notre Humanité.

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Mercredi 21 septembre, il s’agissait de la Journée Internationale de la Paix, consacrée par les Nations-Unis en 1981 et célébrée chaque année depuis lors. Mais cette année, le 21 septembre n’était pas seulement une journée de Paix. Pour des millions de personnes dans le monde, ce jour était celui d’une guerre menée contre la peine de mort et l’exécution d’un homme, citoyen des États-Unis, dans le couloir de la mort pour un crime qu’il n’a certainement pas commis : Troy Davis.

Le 19 août 1989, un policier blanc du nom de Mark Allen MacPhail est abattu. Sur les lieux du crime à ce moment là, Troy Davis est arrêté, mais celui-ci nie en être l’auteur. Il n’y a par ailleurs aucune preuve matérielle à son encontre et l’arme du crime n’est jamais retrouvée, mais neuf témoins l’accusent, ce qui vaut par conséquent à Troy Davis une condamnation à mort en 1991.
Les années défilent et sept des neuf témoins l’accusant reviennent sur leur déposition, en affirmant avoir subi des pression de la part des policiers au moment des faits. Quant aux deux derniers témoins, des soupçons pèsent sur l’un d’entre eux, Sylvester Coles, accusé par neuf nouveaux témoins d’être en réalité le meurtrier recherché. Le dernier témoin affirme quant à lui que le meurtrier du policier était gaucher, tandis que Troy Davis est droitier.

Malgré ces éléments, Troy Davis est toujours accusé par la justice géorgienne du meurtre de Mark Allen MacPhail, mais réussi à échapper, à trois reprises, à une exécution programmée. Le 17 août 2009, la Cour suprême des Etats-Unis décide néanmoins que de nouvelles audiences aient lieu, dès le 23 juin 2010, afin d’entendre le témoignage des neuf nouveaux témoins. Mais le 24 août 2010, le juge William Moore affirme que « M. Davis n’a pas réussi à prouver son innocence ». Ses avocats tentent alors divers recours, qui se succèdent jusqu’en 2011, aux différents échelons de l’organisation judiciaire américaine, sans succès.

Son exécution est finalement programmée pour le 21 septembre 2011, à 23h US (01h FR), et les militants du monde entier n’ont qu’une dizaine de jours afin de sensibiliser et mobiliser l’opinion publique sur cette affaire. Des personnalités publiques prennent également position contre l’exécution de Troy Davis, notamment Jimmy Carter, Desmond Tutu, le Pape Benoit XVI, Robert Badinter, des experts en droits humains des Nations-Unies, le Conseil de l’Europe et le gouvernement français. Mais rien n’y fait, le Comité des Grâces refuse catégoriquement de revenir sur la décision d’exécution.

La chambre d'exécution dans laquelle a été exécuté Troy Davis. Le condamné rejoint cette salle par la porte jaune au fond. À droite se trouve la fenêtre de la salle des témoins, lesquels prennent place sur 3 bancs de bois de 5 m de long.

La chambre d'exécution dans laquelle a été exécuté Troy Davis. Le condamné rejoint cette salle par la porte jaune au fond. À droite se trouve la fenêtre de la salle des témoins, lesquels prennent place sur 3 bancs de bois de 5 m de long.

Le 21 septembre, à 14h30 locales (20h30 FR), Troy Davis n’a plus que 30 minutes pour dire adieux à ses proches. Devant la prison, une centaine de manifestants sont présents afin de demander la suspension de l’exécution.
À 15h (21h FR), Troy Davis est reconduit dans sa cellule.
À 15h10 (21h10 FR), Troy Davis est conduit dans le cabinet du médecin de la prison pour une visite médicale.
À 15h55 (21h55 FR), la visite médicale de Troy Davis prend fin. Il est reconduit en cellule afin d’y prendre son dernier repas, identique aux autres détenus : oleslaw, cheeseburger grillé, haricots, patates au four, cookie et jus de raisin. Troy Davis n’a en effet pas demandé de repas spécial.
À 17h35 (23h35 FR), les avocats de Troy Davis saisissent la Cour Suprême de Géorgie contre le rejet ayant été donné une heure plus tôt à la requête de report de la sentence.
À 17h55 (23h55 FR), la Cour suprême de Géorgie rejette le recours. Il ne reste plus qu’une heure avant l’exécution.
À 18h00 (00h FR), la défense de Troy Davis saisit la Cour Suprême des États-Unis d’un recours contre le rejet donné par la Cour Suprême de Géorgie.
À 18h05 (00h05 FR), le gardien-chef de la prison et l’aumônier rejoignent Troy Davis. Ils ne le quitteront maintenant plus, jusqu’à la fin de l’exécution.
À 18h10 (00h10 FR), Troy Davis se voit proposer un cachet de lorazépam, afin s’il le souhaite, calmer son angoisse.
À 18h50 (00h50 FR), Troy Davis est installe dans la chambre d’exécution. Une intraveineuse lui est passée dans chaque bras. Une solution saline est d’abord injectée, avant qu’il ne s’agisse du cocktail mortel. Pendant ce temps tout le monde attend des nouvelles de Washington, où se trouve la Cour Suprême des Etats-Unis. Des centaines de cercles de prières sont visibles à l’extérieur, devant la prison.
À 19h (01h FR), heure de l’exécution programmée, Troy Davis peut être exécuté à tout moment, car le recours formé par ses avocats n’est pas suspensif. L’exécution est en effet censée être menée à terme, sauf en cas d’ordre de suspension donné par le directeur de la prison.
À 19h04 (01h04 FR), l’exécution de Troy Davis est suspendue ! Des cris de joie retentissent à l’extérieur de la prison. La Cour Suprême des États-Unis a demandé de surseoir à l’exécution en attendant sa réponse. Le délai durant lequel la Cour examine la demande reste toutefois inconnu.
À 19h46 (01h46 FR), le porte-parole de Barack Obama affirme que ce dernier ne veut pas intervenir contre l’exécution de Troy Davis. Il explique que son refus d’intervenir tient du fait que cela ne relève pas de l’Etat fédéral.
À 22h25 (04h25 FR), la demande de suspension d’exécution de Troy Davis est refusée par la Cour Suprême des États-Unis. Tous les manifestants autour de la prison se mettent à prier. Le calme qui règne autour de la prison est vraiment troublant.
À 22h35 (04h35 FR), il est annoncé que l’exécution de Troy Davis doit avoir lieu dans la prochaine demi-heure. Avant de recevoir l’injection mortelle, Troy Davis déclare : « Je ne suis pas celui qui a commis le crime. Je n’avais pas d’arme. Continuez à chercher la vérité ». Il bénit également ses bourreaux.
À 22h53 (04h43 FR), l’exécution de Troy Davis commence.
À 23h08 (05h08 FR), Troy Anthony Davis décède.

© AFP/Jessica McGowanCe soir là, ce sont des millions de mains qui ont tenu par la pensée celles de Troy Davis. Par la pensée, ce sont certainement des millions personnes qui ont voulu tenir Troy Davis dans leur bras afin qu’il ne soit pas relâché vers une justice meurtrière. Avec son exécution, ce n’est pas seulement un symbole, mais une part entière de l’Humanité de chaque être humain qui a été meurtrie. À jamais, le combat contre la peine de mort a un nom, et un visage: celui de Troy Anthony Davis.

La veille de son exécution, Troy Davis a adressé un message à ses sympathisants du monde entier : « Le combat pour la justice ne s’arrête pas avec moi. Ce combat est pour tous les Troy Davis avant moi et tous ceux qui viendront après moi. Je me sens bien, je prie et je suis en paix. Mais je n’arrêterai de me battre qu’à mon dernier souffle.
Il y a tant d’autres Troy Davis. Ce combat pour abolir la peine de mort ne sera pas gagné ou perdu à travers moi, mais à travers notre force à avancer et à sauver chaque personne innocente emprisonnée à travers le monde. Nous devons démanteler ce système injuste, ville par ville, État par État, et pays par pays. (…) Ne cessez jamais le combat pour la justice, et nous gagnerons ! »

Membre et militant d’une organisation de défense et de promotion des droits humains depuis maintenant deux ans, j’ai toujours eu depuis le début connaissance du cas de Troy Davis. À chaque réunion, à chaque stand organisé en ville son affaire était continuellement présente, qu’il s’agisse des dernières informations qui nous parvenaient sur les conditions de sa détention ou de faire progresser le nombre de signatures de la pétition le concernant.
C’est pourquoi, en ce qui me concerne personnellement – dernier maillon de cette formidable chaine que forment les défenseurs des droits humains – son décès représente une première défaite, retentissante, du combat pour les droits fondamentaux, du respect de l’intégrité et de la dignité humaine dans toutes ses dimensions.
Mais malgré cela, malgré cette tristesse dont je n’arrive à me défaire dès que mes pensées convergent vers Troy Davis, je peux affirmer que la lutte ne s’arrête pas maintenant. Au contraire, elle continue de plus bel, pour tous les droits et libertés opprimés, afin de faire primer la vie et la dignité de chaque être humain.

I am Troy Davis, and I keep hope.

Je sais que nous finirons par y parvenir.

Définitivement, le 21 septembre ne sera plus seulement la journée internationale de la Paix. C’est dorénavant la journée de tous les Troy Davis de ce monde.



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